Un DES de Médecine Générale en 4 ans ?

La réforme de l'Internat est en marche. Les négociations vont bon train et la navette est faite entre les Ministères et les représentants des différentes disciplines.

Alors que le cadre donné par le rapport Couraud-Pruvot (voir notre site : http://www.srp-img.com/?p=475) disait clairement : "pas d'allongement de la durée de la formation", une nouvelle revendication de la part des Enseignants de Médecine Générale vient s'immiscer dans les négociations : le passage du DES de Médecine Générale à 4 ans.

Cela permettrait, d'après les justifications qui sont faites, de réaliser 1 année professionnalisante, au mieux la totalité en ville, avec une sorte de statut de collaborateur libéral, mais avec une paye d'interne de 4ème année.
En revanche, on ne choisirait pas si on travaille avec certains réseaux, dans certains parcours.
On irait dans la zone fragile définie par l'ARS, pour combler le manque de professionnels.

Le fait de prolonger d'1 an l'internat ne s'accompagne pas franchement d'apprentissages ou de compétences supplémentaires, au contraire, le prolongement de la durée d'internat ne semble être justifié que par un stage de pseudo remplacement où l'interne serait, du coup, sous-payé en regard de ses responsabilités, et où la formation supplémentaire semble assez floue (on apprendrait à gérer un cabinet... qui n'est pas le nôtre, mais qui pourrait le devenir).

Il n'est nullement question d'améliorer la qualité du stage de niveau 1 et de niveau 2, de le rendre obligatoire pour tous, ni de favoriser le stage de MG pour tous les externes et encore moins, de donner les moyens universitaires de cette ambition, avec la FUMG, toujours parent pauvre de l'Université.

Leur logique serait plutôt de demander d'allonger le DES à 4 ans pour justifier secondairement une augmentation des moyens attribués à la MG.

En demandant à prolonger l'internat d'un an, notre infantilisation grandit de plus belle : il faut absolument nous former plus longtemps, car nous serions incapables de nous installer, la preuve en est, nous ne rendons pas nos traces à temps. Ainsi, pour mieux nous former, il faut nous maintenir dans les griffes de l'Université.

Allonger à 4 ans, cela ne nous laisse pas la possibilité de faire les remplacements que l'on veut, pour mieux préparer notre projet professionnel, dans le territoire que l'on choisit, avec en plus, une vraie rétribution. Faire des remplacements à la sortie de l'internat, ce n'est pas parce qu'on est immatures, c'est parce qu'on va à tâtons, en cherchant un peu ce qui nous convient, en se faisant un réseau, avec des partenaires que l'on choisit et des activités que l'on maîtrise.

Qu’est-ce qui cloche dans notre formation actuelle ?

On sait aussi que notre formation manque de théorie sur le fonctionnement du cabinet et les différents modes d'exercice en ville.
Plutôt que d'axer notre formation actuelle sur ces points faibles, qu'on reconnaît tous, on allonge la durée. En nous exploitant.
Plutôt que de réclamer la fin des stages non formateurs car non adaptés à nos objectifs de formation en Médecine Générale, plutôt que de recruter davantage de Maître de stage, plutôt que de réfléchir à l'attractivité de la profession et de ses multiples exercices, on demande 4 ans, pour faire comme les autres spécialités.

Avons-nous seulement des données scientifiques, autres que nos expériences personnelles, pour prouver que les internes formés en quatre ans sont meilleurs que les internes formés en trois ans ?

La réforme de 2004, qui crée, et c'est heureux, l'internat de médecine générale pour tous, n'a même pas été évaluée au plan pédagogique, avec un recul d'au mieux 7 ans.

Pourtant, grâce à ça, à notre Internat professionnalisant obligatoire pour tous, depuis 2004, à l'issue de 3 ans d'internat, on est préparés, au plan médical, à notre exercice. Nous estimons l'être, dans la gestion "médico-psycho-sociale des problèmes de premier recours".

Ce qui nous manque, c'est l'envie d'avoir envie.
La confiance en nous de faire quelque chose qu'on ne connaît pas assez, car on manque de stages en SASPAS, on appréhende la gestion du quotidien, car on ne nous y forme pas pendant l'internat.

Cela requière des formations alliant théorique et pratique, que l'on doit faire à la fac, au calme, pas entre deux consultations ou à réception d'un courrier contentieux de la CPAM.

L'infantilisation de beaucoup de DMG avec la sanction des traces et certains enseignements magistraux inadaptés qui ne nous apportent rien de plus que l'externat, ne font que renforcer le doute de l'installation chez les confrères et le rejet d'un système universitaire. Cela nous fait rejeter la recherche et douter de notre future installation. L'opposé de ce que devrait faire une formation d'excellence en 3ème cycle !

Si on pousse même la logique plus loin, avons-nous des données pour dire que nous, qui avons la chance de faire un Internat de Médecine Générale en 3 ans, serions de meilleurs professionnels que nos prédécesseurs qui s'installaient seulement au bout de six années de formation initiale, sans avoir fait d'internat pour l'immense majorité d'entre eux ?
Certains sont même devenus enseignants.
Les renie-t-on sous prétexte qu'ils n'ont pas fait cette formation ?
Bien sûr que non, car la compétence ne passe pas QUE, par les diplômes. Et elle ne s'apprend pas qu'à la Faculté.

Le caractère professionnel ne passe pas que par la formation initiale. Il s'acquière progressivement, au contact des patients, petite pierre par petite pierre : nous sommes étudiants à vie, en étant médecins. Nous avons tous besoin d'un Développement Professionnel Continu, car la médecine change à un rythme effréné.

Plutôt que de penser en termes qualitatifs, c'est-à-dire en supprimant les stages hospitaliers trop éloignés de la médecine générale ou en réfléchissant à une meilleure auto-formation par le système de l'apprentissage par compétences, largement perfectible, en nous donnant les clés pour mieux chercher l'information de qualité, indépendante, il ne pensent qu'en termes quantitatifs, pour prolonger dans le seul but de prolonger.

D'ailleurs, à aucun moment il n'y a de réflexion sur comment un jeune professionnel en formation peut-il correctement se former lorsqu'il passe 80h/semaine à travailler ? Comment faire pour faire en sorte qu'il puisse bénéficier de ses jours de formation et de travail personnel, alors qu'actuellement, aux yeux de trop nombreux services, seuls certains cours obligatoires permettent de bénéficier d'exemption de présence en stage ?

Oui, on apprendrait mieux avec un internat différent, mais cela voudrait dire faire du ménage d'abord :

- En ne passant pas 80h par semaine dans un service ultra-spécialisé où l'encadrement fait défaut.
- En ne passant pas 2 demies-journées à regarder un professionnel alterner entre acupuncture et homéopathie.
- En ne faisant pas les visites d'un professionnel qui vous fait ensuite travailler dans un local totalement inadapté à une consultation.
- En ne faisant pas un apprentissage infantilisant par des redites de cours d'externes.

Quid de l’attractivité de la profession ?

Pour faire comme les autres spécialités, donc, on passerait à 4 ans et ainsi obtiendrait-on la reconnaissance de nos compétences aux yeux des autres disciplines.

La reconnaissance de nos compétences, ce sont nos patients qui nous l'apportent.

C'est leur confiance (nous sommes en tête des professionnels de santé en qui ils ont confiance) qui nous guide.

Ce n'est pas une guerre d'ego qui doit nous motiver, mais bien l'excellence de notre formation.
Beaucoup d'autres disciplines n'ont même pas de définition de ce qu'est leur exercice. Nous avons des définitions internationales, des référentiels de compétences fouillés et partagés par de nombreux pays. C'est notre discipline qui est en avance, et les autres disciplines qui devraient se caler sur nous.

Nos compétences et missions sont croissantes (reconnues, notamment dans la loi HPST), l'intérêt intellectuel de la discipline ne fait aucun doute, l'immense étendue inexplorée de la recherche en soins primaires est un défi passionnant.

Sans parler des nombreux statuts d'exercice (salariat, libéral, mixte) ou de lieux d'exercice (cabinet, centre de santé, maison de santé pluriprofessionnelle, PMI, planning familial, Hôpital, ...) : il y a autant d'exercices que de praticiens !

Alors pourquoi diable, reste-t-il autant de postes non pourvus à l'issue du 3ème cycle ?

Déjà, parce qu'on ne connaît pas cette discipline pendant le 2ème cycle, malgré un stage obligatoire depuis 1998 dans les textes.

Ensuite, parce que l'exercice qui est promu un peu partout est un exercice libéral exclusif, qui voit ses contraintes renforcées, sans moyen supplémentaire. Qui ne voit passer AUCUNE réflexion autour de la qualité de vie des généralistes, des horaires de travail, de la protection sociale, de la pertinence (ou pas) de la rémunération à l'acte, ni autour de la revalorisation des honoraires.

Qui dira que les généralistes installés n'ont pas de congés payés obligatoires ? N'ont pas de limitation horaire de leur temps de travail ? Ont un délai de carence de 90 jours pour un arrêt maladie ? N'ont pas de congé maternité dans leur statut (90 % des promotions sont des femmes) ?

Qui dira que nous sommes une profession avec un taux de burn-out de 40 %, favorisé par des conditions de travail parfois difficiles ?
Qui dira que ce qui motive une part non négligeable d'entre nous d'aller vers le salariat ce sont les questions de protection sociale et la qualité de vie ?

Ces questions là, nous nous les posons. Nous voudrions bien une réponse de la part des Enseignants, sur ces points.

Ils nous forment pour être des (bons) professionnels. En nous délivrant le diplôme, ils cautionnent ce système. En ne s'emparant pas de nos inquiétudes légitimes sur l'avenir et les moyens de la profession et en n'y répondant que par : "pour tout changer, on va passer à 4 ans, comme ça on fera comme les autres spécialités", en espérant qu'on nous donnera des moyens universitaires supplémentaires, puis, par la suite, un C à 28 € pour tous, c'est illusoire.

On nous dira seulement : vous avez déjà eu des moyens supplémentaires, puisqu'on a passé l'internat à 4 ans. (mesure qui, au passage, sera largement bénéficiaire pour les finances publiques).

Oui, l'internat de médecine générale est différent.
Car, oui, cette discipline est différente : nous n'avons pas une logique d'organe, mais une démarche holistique.
Oui, nous voulons continuer à soigner les patients, dans leur globalité, et non pas leur maladie, dans une logique d'organe.
Et oui, il faut renforcer la formation ambulatoire des futurs généralistes, en commençant dès le 2ème cycle.

Cela dit, ces réformes de grande ampleur ne doivent pas se faire à la petite semaine, en ne favorisant, que des modifications marginales et en continuant à prendre en otage les futurs collègues dans une formation où les internes ne sont que des instruments de lutte de pouvoir.

Ce qu'on demande, c'est assez simple :

- Des enseignants pour la Filière Universitaire de Médecine Générale

- un stage d'externe en ambulatoire

- un stage de niveau 1 de qualité et un SASPAS obligatoire pour tous

- une formation hospitalière où l'on passerait par les Urgences (premier recours) et la médecine adulte polyvalente (Gériatrie ou médecine interne polyvalente), sans obligation d'aller au CHU et sans des horaires à rallonge

- une formation où l'on serait correctement et suffisamment formés à la pédiatrie ET à la Gynécologie

- une formation où on nous donnerait envie de faire de la recherche en soins primaires ambulatoires

- une formation théorique où on serait considérés comme des adultes et non pas comme des enfants qu'il faut menacer d'une sanction

- une plus grande découverte, pendant l'internat, des différents modes et statuts d'exercice et des carrières

- une réflexion globale sur la profession, son attractivité et la protection sociale des médecins libéraux

Oui à la Médecine Générale.

 

Cette réforme donnera lieu à un débat lors de l'Assemblée Générale du SRP-IMG, le jeudi 2 octobre à 19h30, à la Faculté de Médecine Cochin-Port-Royal.

Ce sera également l'occasion de discuter des stages à problèmes et du projet de loi de Santé.

Ce sera enfin l'occasion de partager des moments conviviaux et de recevoir le GUIDE DES STAGES 2015 du SRP-IMG !

Pour marque-pages : Permaliens.

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