Les modalités de la 4ème année…où sont les décrets ?

En résumé...
  • Un rapport concernant la 4ème année a été publié le 12 juin. Cette date est très problématique en raison de son retard et de sa proximité avec les ECN. Ce rapport n’est pas un texte réglementaire, mais un recueil de recommandations sur les mesures qui devraient être actées par voie réglementaire.
  • Selon ce même rapport, il aurait été nécessaire que les décrets d’applications soient publiés avant mai 2023. Hors, aucun texte n’est sorti à ce jour. D’après les engagements du Ministre de la Santé, ils devraient l’être en juillet au plus tard.
  • La publication du rapport a été accompagnée d’un discours du Ministre qui contredit plusieurs points cruciaux du rapport
  • Les 10 propositions principales du rapport sont :
    1. L’interne jamais seul ;
    2. Pas d’obligation de stage en zone sous-dense ;
    3. Coupler les stages de gynéco et de pédiatrie sur un semestre (3mois/3mois) pour dégager un stage libre ;
    4. Une 4ème année composée de 2 stages de 6 mois, avec reconduction possible du 1er stage si l’interne et son MSU le souhaitent à l’issue des 6 premiers mois ;
    5. Possibilité de stage hospitalier mais à titre exceptionnel (projet professionnel validé par le coordinateur) ;
    6. Une procédure de choix de stage par appariement (et non par classement) ;
    7. La nécessité de passer la thèse en 3 ans sauf pour les 3 premières promotions qui ont une dérogation pour passer la thèse en 4 ans ;
    8. Une rémunération qui inclue une part fixe (1900€ nets) et une part de rétrocession des honoraires à 25% (30% si zone sous dense), avec cotisation URSSAF et CARMF à payer, pour un nombre d’actes compris entre 10 et 30 par jour ;
    9. Une année de docteur junior non comptabilisée pour l’accès au secteur 2 ;
    10. La participation à la permanence des soins encouragée mais facultative, et rémunérée par le versement de la totalité des honoraires perçus ;
  • Les divergences du discours du Ministre sont :
    • Un stage libre qui n’est plus totalement libre car préférentiellement fléché vers la santé de la femme ou de l’enfant, la santé de la personne âgée ou la santé mentale ;
    • Part variable de la rémunération de 20% des honoraires (au lieu de 25% à 30%) ;
    • Règle générale de 12 mois dans le même cabinet sauf cas particulier ;
    • Participation obligatoire à la permanence des soins ambulatoires ;
    • Versement d’une indemnité si le stage est effectué en zone sous-dense (plutôt qu’une majoration de la rétrocession)
    • Un salaire qui peut monter en théorie jusqu’à 4500€ nets (contre 3793 bruts pour le rapport).
  • Mais en l’attente des textes réglementaires (décrets et arrêtés), les modalités précises de la 4ème année ne sont pas encore définies.

Cet article vient compléter et mettre à jour notre article précédent de janvier 2023 : PLFSS et 4ème année, les dernières informations.

Pour rappel, cliquez-ici pour voir le contenu du texte de loi de décembre 2022

Le texte de loi qui modifie l’internat de Médecine Générale est disponible ici.

Concernant la 4ème année, la loi (LFSS 23, Art. 37) dispose que...
  • La 4ème année s’applique aux étudiants qui commencent leur première année d’internat en novembre 2023.
    • ainsi, il n’y aura pas de 4ème année pour les internes plus avancés qui ne valident pas un semestre ou prennent une disponibilité.
  • La 4ème année est effectuée en stage…
    • sous un régime d’autonomie supervisée par un ou plusieurs praticiens,
      • ces praticiens sont des maîtres de stage des universités (MSU) agréés, (et non des généralistes non formés à l’accueil d’interne)
    • dans des lieux agréés en pratique ambulatoire dans lesquels exercent un ou plusieurs médecins généralistes (donc pas d’interne “seul” dans un désert médical, sans médecin thésé sur place)
    • et en priorité dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins.
  • La rémunération des étudiants peut faire l’objet d’aménagements spécifiques tenant compte des conditions d’exercice de stage, lesquels sont déterminés par décret.
  • A titre exceptionnel et par dérogation, un stage de 4ème année peut être réalisé en…
    • milieu hospitalier
    • ou extrahospitalier

 


 

Silence assourdissant depuis l'adoption de la loi introduisant la 4ème année en décembre 2022. Six mois éprouvants pour les actuels D4 qui sont tenus dans l'ignorance des modalités de leur internat s'ils font le choix de la Médecine Générale.

Le Ministre de la Santé François Braun, qui disait en décembre "[comprendre] les inquiétudes exprimées par les futurs médecins qui veulent savoir comment cette année va se dérouler" et "[vouloir]  les rassurer", a pourtant choisit une date particulièrement anxiogène pour rompre ce mutisme. C'est finalement le lundi 12 juin, une semaine seulement avant les ECN, qu'un rapport sur la 4ème année est rendu public. Pourtant, l'analyse des métadonnées du PDF officiel montre que le fichier a été créé le 31 janvier.

 


Un discours problématique

Le Ministre de la Santé François Braun a accompagné la publication du rapport d'un discours qui en contredit plusieurs points. Erreurs de formulation, imprécisions, ou choix délibéré de ne pas suivre plusieurs des recommandations du rapport ?

Le discours du Ministre (en rouge les points qui divergent avec le rapport) :

  • La 4ème année se composera de deux stages de six mois, en ambulatoire, dans un cabinet médical, sous l’autorité d’un praticien maître de stage universitaire (MSU).
  • Sauf cas particulier, les deux stages seront effectués dans le même cabinet.
  • Les internes devront participer à la permanence des soins ambulatoires (PDSA).
  • Au cours de la phase d’approfondissement [2e et 3e année], un stage mixte réparti entre la pédiatrie et la gynécologie obstétrique sera créé dans le cursus.
  • Cette fusion des stages de pédiatrie et de gynécologie permet d'introduire un stage libre au cours de la phase d’approfondissement, choisi en fonction du projet professionnel du futur généraliste, avec un fléchage préférentiel vers la santé de la femme ou de l’enfant, la santé de la personne âgée ou la santé mentale.
  • Les internes percevront, en plus de leur rémunération de « Docteur Junior »
    • une rétrocession d’honoraires de 20% du montant des honoraires réalisés,
    • dans la limite d’un plafond de 30 consultations par jour, et d’un plancher de 10 consultations quotidiennes.
    • et une indemnité supplémentaire s’ils choisissent d’effectuer cette quatrième année en zone sous-dense.
    • L’ensemble de ces rémunérations pouvant s’additionner jusqu’à 4 500 euros nets par mois 

Selon plusieurs articles de presse, l'indemnité de zone sous-dense pourrait être d'environ 400€. (1,2,3)

 

Ce que contient le rapport sur la 4ème année

Le rapport n'est pas un texte réglementaire, mais une série de recommandations sur 84 pages, rédigées par trois professeurs de médecine et par l'ancienne présidente de l'ISNAR-IMG.

Voici les points importants.

L’interne jamais seul

  • Toujours sous la supervision d’un Maître de Stage Universitaire (MSU) ou d'un autre médecin présent sur place.
  • Restitution quotidienne par le docteur junior de l’activité réalisée en autonomie (debrief)
  • Aucune obligation à faire les stages dans un désert médical (mais mesures incitatives financières)
En aucun cas, des jeunes ne pourront être envoyés seuls dans des zones sans médecins.Rapport sur la 4ème année, page 17

Couplage gynécologie-pédiatrie pour libérer un stage libre

  • Couplage des stages santé de la femme et santé de l’enfant en un seul stage de six mois : un stage de 3 mois en gynéco et un stage de 3 mois en pédiatrie
    • Et favoriser les terrains de stage ambulatoire pour la gynéco et la pédiatrie (auprès de médecins généralistes, pédiatres ou gynécologues)
  • L’introduction d’un stage libre dans la phase d’approfondissement de la nouvelle maquette

Une quatrième année en 1 x 12mois ou 2 x 6mois

  • Possibilité de réaliser 2 stages de 6 mois durant la quatrième année
    • Comme c'est déjà le cas pour 24 des 43 DES avec phase de consolidation
    • La poursuite du premier stage ambulatoire durant le semestre suivant se ferait par reconduction après accord des deux parties.
les étudiants doivent pouvoir bénéficier de deux stages distincts, en cas de stage démarré dans de mauvaises conditions, de mésentente professionnelle, ou d’un projet professionnel nécessitant un autre terrain de stage, …Rapport sur la 4ème année, page 21
  • La règle générale serait 2 stages de 6 mois en ambulatoire
    • L’opportunité de réaliser 1 des 2 stages hors secteur ambulatoire durant la 4ème année serait une exception (nécessité d’un projet professionnel validé par la commission locale de coordination).
    • La réalisation d’un 2ème stage en secteur hospitalier ou extra-hospitalier serait rendue possible, à titre exceptionnel et dérogatoire, uniquement pour tenir compte d’un projet professionnel particulier.
    • En cas de demande d’un stage hospitalier ou extra-hospitalier, les conditions et modalités d’un tel stage seraient validées par le coordonnateur local du DES de médecine générale, la commission locale de coordination de médecine générale et le directeur de l’Unité de Formation et de Recherche (UFR).

Un choix de stage par appariement

  • En 4ème année, choix de stage avec une procédure d’appariement et non à un choix en fonction du rang de classement aux ECN.

La thèse en 3 ans, avec dérogation pour les 3 premières promos

  • Soutenance de la thèse avant l’entrée en 4ème année, avec une disposition transitoire permettant la soutenance de thèse jusqu’à la fin de la 4ème année aux promotions d’étudiants entrant dans le DES de médecine générale en 2023, 2024 et 2025.

Participation à la permanence des soins encouragée mais facultative

  • Inscrire la participation à la Permanence Des Soins Ambulatoires (PDSA) dans la phase de consolidation de la maquette du DES de MG.
  • Cette mesure doit être incitative et basée sur le volontariat.
  • En libéral, rémunération des gardes et astreintes = versement de la totalité des honoraires.
  • Dans les établissements salariés, les gardes seront rémunérées au même niveau que les gardes en milieu hospitalier.
  • Maintien des droits :
    • décompte des gardes effectuées au titre du temps de travail en stage.
    • respect d’un repos de sécurité
    • praticien sénior clairement identifié doit être joignable et/ou à même de se déplacer à tout moment pour assurer la supervision du Docteur Junior

Un statut de DJ différent, qui n’ouvre pas la possibilité du secteur 2

  • Le statut de docteur junior de médecine générale proposé serait un statut différent du statut de docteur junior des autres spécialités médicales, notamment pour la rémunération (cf plus bas).
  •  La phase de consolidation du DES de médecine générale ne serait pas comptabilisée pour avoir accès au secteur 2.

La rémunération :

  • Une part fixe correspondant aux émoluments forfaitaires mensuels perçus par tous les docteurs juniors : 2334€ bruts (soit environ 1900€ nets).
  • Une part variable correspondant à une rétrocession sur les honoraires perçus.
    • 25% des honoraires (et 30% pour les stages réalisés en zones sous-denses ZIP/ZAC)
    • avec déclaration à l’URSSAF, cotisation à la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (CARMF), ... , tout en bénéficiant du Régime Simplifié des Professions Médicales (RSPM), ce qui enlèverait environ 20% du montant des honoraires (soit un taux à 25% x 0,8 = 20%)
    • Le nombre d’actes réalisés par jour : minimum 10-15 actes par jour, et maximum 30 actes par jour.
  • Contrairement aux docteurs juniors des autres spécialités, le docteur junior de médecine générale ne percevrait PAS la prime d’autonomie supervisée annuelle (417 € bruts mensuels), ni l’indemnité forfaitaire de transport (130€ bruts mensuels), ni l’indemnité forfaitaire d’hébergement (300€ bruts mensuels).
  • Lorsque le docteur junior bénéficie de congés, le CHU assure la rémunération.
  • Si le docteur junior de médecine générale devait réaliser un stage en secteur hospitalier ou dans une structure ambulatoire à activité salariée, il percevrait une rémunération conforme à celle de docteurs juniors des autres spécialités.
  • La rémunération ne devra pas dépasser les émoluments d’un chef de clinique des universités de médecine générale au premier échelon (1459€ bruts/mois). (source) Soit une rémunération maximale de 3793 bruts !? (2334+1459)

Divers

  • Dans le cadre de la future maquette, proposer une formation à la pédagogie pour inciter les étudiants à devenir de futurs maîtres de stage universitaires.
  • Les recommandations insistent sur le recrutement de nouveaux enseignants en MG, de personnels administratifs, de maitre de stages universitaires, et sur leur formation.
  • En cas de formation spécialisée transversale (FST), celle-ci ajoutera une année d'étude et ne pourra pas être incluse dans les 4 ans (comme les autres DES en 4 ans).
  • Créer un guichet unique d’accueil des étudiants répertoriant les conditions d’accueil des docteurs juniors par département.
  • Discuter avec les collectivités territoriales de la mise à disposition de solutions de logements pour les futurs professionnels de santé, voire leurs familles.
  • Entre novembre 2023 et novembre 2026, possibilité (au volontariat) pour les internes qui terminent leur 3ème année et qui ne sont pas dans la réforme, de bénéficier d’une 4ème année, s’ils ont soutenu leur thèse
  • Et surtout, le rapport contient beaucoup de louanges sur la qualité et l'absolue nécessité de la 4ème année 🎻

Le rapport contient en annexe :

  • une proposition de maquette pour le DES de MG
  • une proposition de convention de stage pour les docteurs juniors

 

Où sont les décrets/arrêtés d’application ? Les futurs internes méritent plus de considération ! 

Voici une citation issue du rapport (qui pour rappel, a été écrit en janvier mais publié par le ministère mi-juin) :

En conclusion, il sera nécessaire que les textes réglementaires relatifs à la mise en place de la quatrième année du DES de médecine générale soient publiés avant mai 2023, afin que les étudiants passant les épreuves classantes nationales 2023 puissent choisir cette spécialité médicale en toute connaissance de cause.Rapport sur la 4ème année, page 7

Dans un discours en décembre 2022, le Ministre déclarait :

…nous allons devoir donner des gages de prévisibilité aux étudiants. Bref, que vous sachiez où on va vous emmener. C’est la raison pour laquelle je serai extrêmement attentif à ce que nous anticipions la publication des textes réglementaires nécessaires. Tous ces textes réglementaires doivent être publiés au plus tard en juillet 2023 pour que nos internes puissent faire le choix de la spécialité en toute connaissance de cause. Je m’y engage.CNGE 2022 - Discours de François Braun

À ce jour, aucun texte réglementaire n'a été publié ! Ce scandale est une marque d'irrespect profond pour les étudiants en médecine qui se retrouvent démunis face à une réforme mal définie et à laquelle ils sont majoritairement opposés. 

Pour cette raison, le SRP-IMG, mais aussi l'ISNI dont il est membre, l'ISNAR-IMG et l'ANEMF réclament le report de la mise en place de cette 4ème année, afin qu'elle ne s'applique qu'à des externes qui auront pu pleinement en mesurer les conditions !

Lettre ouverte 4MG
Pour marque-pages : Permaliens.

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